« Les élèves doivent pouvoir acquérir à l’école les connaissances informatiques nécessaires à la compréhension du fonctionnement de ces outils d’IA générative, base indispensable à l’évaluation de leurs impacts.»
L’intelligence artificielle (IA) et le traitement du langage naturel ne sont pas nouveaux dans le domaine de l’informatique, puisque les premiers essais d’agents conversationnels remontent aux années 60 avec notamment le travail sur Eliza au MIT. Mais les évolutions scientifiques et technologiques, les puissances de calculs à disposition, l’accès à d’immenses corpus textuels et sets de données sur lesquels entraîner des modèles de langue de grande taille (large language models ou LLMs), permettent d’obtenir des résultats qui sont proprement impressionnants!
Quiconque a interagi avec l’un de ces outils a pu se rendre compte du caractère souvent bluffant des réponses qui sont produites aux invites que l’on rédige. La qualité des textes générés, ainsi que souvent leur pertinence, est indéniable. Mais certains critiquent l’aveuglement qui s’empare de ceux qui voudraient y voir la preuve d’une «intelligence» comparable à l’intelligence humaine. Il ne s’agit que de «perroquets stochastiques» (stochastic parrots[1]) qui répètent des mots de manière convaincante, mais ne comprennent pas le sens de ce qu’ils produisent.
Quel que soit le caractère que l’on accorde à ces outils, leur existence et les capacités qu’ils ont atteintes impactent de manière importante un grand nombre d’activités humaines. Les problématiques qu’ils génèrent sont multiples: le coût et l’impact environnemental des fermes de calcul utilisées pour entraîner ces modèles; les biais dans les données qui sont reproduits et multipliés, en termes de genre ou d’origine ethnique par exemple; les informations erronées ou créées de toutes pièces; la violation de droits d’auteurs de corpus textuels utilisés pour leur entraînement, pour n’en citer que quelques-uns.
Dans ce contexte, quel est le rôle de l’école? Éduquer, encore éduquer et toujours éduquer!
Les élèves doivent pouvoir acquérir à l’école les connaissances informatiques nécessaires à la compréhension du fonctionnement de ces outils d’IA générative, base indispensable à l’évaluation de leurs impacts. Cet enseignement peut constituer l’occasion d’apprécier la puissance de l’intelligence humaine dont est venue l’idée de produire une représentation mathématique de la langue, ou de vulgariser le fonctionnement d’un réseau de neurones. Cette démystification doit permettre aux élèves d’éviter les deux extrêmes de la diabolisation et de l’adhésion aveugle. Ce faisant, ils développent leur esprit critique et leur citoyenneté.
L’avantage c’est que maintenant nous disposons en Suisse d’un enseignement de l’informatique à tous les degrés de la scolarité! C’est le lieu dans lequel ces questions peuvent être abordées. Si cela ne représente probablement pas de difficulté pour des enseignants spécialistes de la discipline au secondaire II, il en est autrement de celles et ceux de l’école obligatoire dont les connaissances informatiques ne sont peut-être pas suffisamment approfondies. Il est important de les soutenir en leur proposant des formations appropriées.
Les curricula d’informatique devraient être révisés et étendus, car un certain nombre de principes de l’apprentissage automatique (machine learning) se différencient clairement de la pensée informatique «classique»[2]. Le processus de résolution de problème n’est plus le même: formalisation et construction d’une série d’étapes d’un côté, collection de données et entraînement d’un modèle de l’autre; débogage par l’analyse et le traçage du code d’un côté, par modification des paramètres et essais/erreurs de l’autre; déductif d’un côté, inductif de l’autre.
Pour les enseignants de toutes les disciplines, ces outils d’IA générative, au risque de froisser certains enthousiastes, ne représentent pas une révolution, mais un outil de plus — dont les capacités et les risques sont multipliés — mais pour lequel il s’agira de se former. Les enseignants devraient pouvoir être à même, pour leur discipline, de discuter des nouveaux enjeux amenés par ces dispositifs.
[1] Bender, E. M., Gebru, T., McMillan-Major, A., & Shmitchell, S. (2021). On the Dangers of Stochastic Parrots : Can Language Models Be Too Big? . Proceedings of the 2021 ACM Conference on Fairness, Accountability, and Transparency, 610‑623.
[2] Tedre, M., Denning, P., & Toivonen, T. (2021). CT 2.0. Proceedings of the 21st Koli Calling International Conference on Computing Education Research, 1‑8.
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