Quel a été le contexte de cette enquête et que pensez-vous des résultats, pourtant surprenants ?
F. Mondada : Le contexte était celui de l’arrivée de ChatGPT et de beaucoup de réactions du monde de l’éducation basées sur des hypothèses non vérifiées du ressenti général du corps enseignant ; «les enseignants ont peur », « les enseignants veulent des formations », « les enseignants ont besoin de réglementation »…. Il nous semblait donc urgent, avant de réagir ou d’agir, de vérifier quelle était la situation réelle auprès d’eux. La surprise est venue du nombre de réponses que nous avons pu récolter; 931 enseignantes et enseignants des gymnases publics et des écoles privées du Canton de Vaud nous ont répondu, alors que souvent la participation à ces enquêtes est faible. Le détail des résultats est plus intéressant que surprenant. Les enseignantes et enseignants ressentent principalement un sentiment de responsabilité, avant un sentiment de peur, ce qui montre leur professionnalisme souvent sous-estimé. Cela nous a aussi permis de sonder le besoin de formation et les canaux de formations qu’ils et elles préféreraient, ce qui ouvre la porte à la mise en place de mesures concrètes et adaptées.
Enquête auprès d’enseignants de lycées publics et privés: ChatGPT bouscule l’éducation: qu’en pensent les enseignant-es?
Dans un interview sur le thème “ChatGPT à l’école : ange ou démon ?“, vous mentionnez à plusieurs reprises combien il est important, mais aussi difficile, pour les enseignants de se former. Cette formation continue semble pourtant très importante pour que l’école ne rate pas ces évolutions numériques. Comment assurons-nous la formation continue des enseignants ?
F. Mondada : La formation continue du corps enseignant est essentielle et on a déjà un retard considérable dans leur formation aux questions qui touchent au numérique, retard que les cantons essaient de combler par des formations à large échelle. Il y a donc un effort qui est fait à ce niveau qui est tout aussi important que nécessaire. Toutefois, dans un contexte comme celui des IA ou des IA génératives plus spécifiquement, les opportunités et les risques pour l’éducation évoluent chaque mois. Les approches classiques à la formation continue comme celle des cours annuels ou des journées pédagogiques ne peuvent pas assurer une mise à jour efficace et continue du corps enseignant. J’ai donné beaucoup de conférences dans des écoles depuis l’apparition de ChatGPT, mais certains des messages que j’ai apportés devraient déjà être ajustés aux nouveautés auxquelles on assiste. On devrait faire une mise à jour tous les 3 ou 6 mois, ce qui est difficile à envisager. Du côté des enseignantes et enseignants, se garder à jour de façon proactive sur ces sujets demande un effort qui est énorme. C’est pourquoi nous avons lancé un projet ambitieux de recherche et innovation de la formation du corps enseignant à l’AI, ceci dans le contexte d’un gros programme au niveau Suisse, appelé DEEP, qui comporte au total 7 institutions clés dans le domaine de la formation en Suisse. L’idée derrière notre projet est de co-construire avec les enseignantes et enseignants, dans notre cas du cycle 1, un système de formations engageant et supportable par les différents acteurs. On travaille plus particulièrement avec la Haute école pédagogique de St.Gall qui a aussi de l’expertise dans ce domaine.
Vous avez développé un modèle de réflexion qui peut s’appliquer à tout le numérique, dont ChatGPT. Pouvez-vous nous expliquer ce modèle de réflexion ?
F. Mondada : Le modèle de réflexion que nous avons développé avec le Prof. Boullier et des collègues sociologues de l’Université de Lausanne est une sorte de boussole pour s’orienter sur les questions que nous pose le numérique, comme par exemple l’arrivée de ChatGPT l’an dernier. Cette boussole guide la réflexion qui doit précéder une prise de position ou une décision. Elle est structurée en deux grandes questions au niveau de la compréhension du phénomène : d’où vient cet outil d’un point de vue social, historique, géopolitique, etc. et comment fonctionne-t-il techniquement ? Deux autres questions permettent de se positionner quant à son propre engagement : qu’est-ce que je veux déléguer à la machine ? Et quelle est ma responsabilité ? Dans toutes ces questions, qui visent à aiguiser l’esprit critique des individus, il y a un élément commun qui doit guider la réflexion : la pluralité des situations, des options, et des choix. Dans un monde digital qui semble nous contraindre à une seule approche (la recherche par google, le stockage dans le cloud…), il faut garder un esprit ouvert et faire des choix éclairés.
Cette boussole a été appliquée à de nombreux questionnements. Elle permet d’ancrer une approche d’enseignement de l’éducation numérique en classe en passant au travers de ses différents quadrants soutenant ainsi une méthode pédagogique assise sur des concepts théoriques de la sociologie du numérique. Ceci permet de mettre en évidence des éléments clés nécessaires à la prise de décision et soutient le sens critique face au numérique. Cette boussole a été intégrée dans le manuel en libre accès « <DÉ>CODAGE » et dans une série de formations continues d’enseignants ou formations grand public coordonnées par le Centre LEARN de l’EPFL en Suisse Romande.
Une idée très intéressante que vous formulez dans l’interview est que ChatGPT démocratise l’accès à l’information et au soutien, notamment dans le domaine de l’éducation. Pouvez-vous préciser ce point ?
F. Mondada : La très grande majorité de nos étudiantes et étudiants de l’EPFL utilise ChatGPT. Dans le cadre de la programmation, par exemple, ChatGPT est l’équivalent d’un expert disponible 24h/24h et 7j/7, auquel on peut poser n’importe quelle question et qui donne des réponses pas toujours parfaites mais souvent très pertinentes. Cet expert est donc à disposition immédiatement à toute personne qui sait comment manipuler ces outils. Il y a toutefois différentes façons pour une étudiante ou un étudiant d’utiliser ChatGPT, et nous commençons à avoir un certain recul dans notre pratique d’enseignement à l’EPFL. Nous avons pu observer et mesurer combien ChatGPT peut accélérer considérablement la résolution de séries d’exercices, mais ce que nous avons aussi mesuré est que cette pratique ne permet pas à nos étudiantes et étudiants d’apprendre plus ou mieux, bien au contraire : le temps passé à résoudre des exercices de cette façon est « gaspillé » par rapport à la façon classique qui est plus lente mais permet, dans un même laps de temps, d’apprendre plus. Lorsque, au contraire, l’étudiant ou l’étudiante utilise ChatGPT pour affiner sa compréhension de la matière, là on voit des progrès intéressants dans l’apprentissage.
Vous utilisez vous-même ChatGPT. Comment utilisez-vous cet outil ? Où est-il utile, que peut-il faire et que ne peut-il pas (encore) faire ?
F. Mondada : J’utilise ChatGPT pour sortir des sentiers battus et avoir de nouvelles idées. D’une part, j’exploite le fait que ChatGPT a une connaissance très large qui peut me faire découvrir des nouvelles facettes des sujets qui m’intéressent. Si je dois inventer un cas d’étude pour un exercice ou un examen, j’aime découvrir des domaines d’applications nouveaux dans lesquels situer mes cas. D’autre part, j’exploite le manque de profondeur de ChatGPT dans des sujets pointus pour voir quelle est la vision « banale » du sujet, afin de m’en éloigner, par exemple lors de la création d’exercices ou d’examens.
ChatGPT reste toutefois encore limité à la production de texte et dans les domaines MINT on aime bien créer, avec les textes, des schémas explicatifs ou d’autres formes graphiques d’explication. Dans ce genre de productions, ChatGPT n’est pas encore en mesure d’aider, même si la partie de reconnaissance d’image a bien progressé.
En revanche, plus on utilise ChatGPT (ou des systèmes similaires), plus on se rend compte des incohérences de cet outil. Un exemple est la création de textes « nouveaux » que ChatGPT construit sur la base des œuvres d’auteurs qui lui ont été présentées lors de son apprentissage et qui sont parfois rendues aux utilisateurs et aux utilisatrices telles quelles, sans respecter aucune des conventions et des lois liées au droit d’auteur. Cela met les étudiants et les étudiantes peu attentifs dans des situations très dangereuses et pose des questions fondamentales que notre société doit aborder très rapidement.
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